Ceci est un article invité de Maxime Orsini, son blog traite également de photographie de paysage. N’hésitez pas à aller le visiter 🙂
Quand on débute en photographie de paysage, on cherche souvent à capturer sa scène avec une courte focale, c’est à dire en utilisant le champ de vision de l’objectif le plus large possible, afin d’inclure un maximum d’éléments dans son cadre.
Cela a pour effet d’agrandir le décor, de le creuser, et d’y ajouter de la profondeur. De cette manière, on guide le regard du spectateur à travers les différents éléments qui le compose, du premier plan jusqu’à l’arrière-plan. On donne ainsi un sens de lecture à l’image, permettant au spectateur de mieux comprendre l’histoire que raconte notre photo.
L’objectif grand angle semble donc être un choix pertinent pour dévoiler la beauté et la grandeur des paysages qui se dressent devant nous. Et, bien que je vous recommande de vous en servir pour vous faire la main avec votre boîtier, vous serez vite confronté à un problème de taille:
- Vos photos seront jolies, mais banales.
Elles ressembleront aux photos de n’importe quels autres photographes, y compris de ceux qui photographient sur smartphone. Il leur manquera une petite touche de magie qui permet de faire la différence entre une photo « sympa » et une photo « captivante », et le téléobjectif va justement nous aider dans cette démarche !
Contrairement à ce que j’ai pu penser à mes tout débuts, un téléobjectif ne sert pas qu’à photographier les oiseaux. Il est particulièrement utile en photo de paysage pour créer des compositions inédites, et je vais vous montrer à travers cet article comment exploiter pleinement son potentiel.
Caractéristique d’un téléobjectif
Un téléobjectif est un objectif doté d’un zoom important. Mais à partir de quelle focale ou « niveau de zoom » parle-t-on de téléobjectif ?
Et bien il faut savoir que 50mm (sur un appareil à capteur plein format) correspond plus ou moins à la vision de l’œil humain. C’est donc la focale qui retranscrit au mieux la réalité sur nos images.
Petite parenthèse: Faites attention à bien prendre en compte le facteur de conversion en fonction de la taille de votre capteur. Ainsi, si vous photographiez sur un appareil à capteur micro 4/3, la focale équivalente sera de 25mm. |
Les objectifs (en dehors d’un 50mm fixe) ont tendance à déformer les proportions et donc la réalité. Ainsi, plus la longueur focale que vous utiliserez sera éloignée de ces 50mm, plus cet effet sera intense, et cela marche dans les deux sens:
- On peut considérer comme grand-angle tout objectif ayant une longueur focale inférieur à 50mm.
La majorité de ces objectifs démarreront à 24mm. En dessous de 24mm, on parlera d’ultra grand-angle. Plus la longueur focale sera courte (donc proche de zéro), plus la scène prendra de l’ampleur dans le cadre. Les différents plans paraîtront plus éloignés les uns des autres qu’ils ne le sont en réalité.
- On peut considérer comme téléobjectif, tout objectif ayant une longueur focale supérieur à 50mm.
Plus la longueur focale sera importante, plus la scène sera minimaliste, on ne montrera qu’une partie du paysage. Les perspectives seront écrasées et les différents plans paraîtront plus rapprochés les uns des autres qu’ils ne le sont en réalité.
Tous les objectifs ne sont pas soit grand-angle, soit téléobjectif. Par exemple, un objectif à focale variable de 24-105mm se situe dans les 2 tranches et sera capable de réaliser chacun de ces effets.
Mais avec un super téléobjectif il est possible d’aller bien au-delà. La plupart sont capables de monter jusqu’à 600mm, voir plus en utilisant un multiplicateur de focale !
C’est avec un téléobjectif qu’il est possible de s’éloigner le plus de ces 50mm, et c’est donc pour cette raison bien précise que je vous recommande de l’utiliser, car il va être possible d’abuser de ses déformations optiques.
Jouer avec les déformations optiques
Les longues focales influencent grandement la perception de l’environnement et donc le rendu de l’image. Elles créent un effet de compression qui va « écraser les perspectives », donnant une impression de profondeur beaucoup plus faible.
Cette compression a également pour effet de grossir les éléments les plus lointains de la scène, ils paraitront alors beaucoup plus imposants qu’ils ne le sont réellement.
Ce sommet montagneux paraît gigantesque, tandis que le refuge paraît minuscule. Mais à moins d’avoir vu la scène de ses propres yeux (ou sur une autre photo au grand angle), il est assez difficile de se rendre compte à quel point leurs perspectives ont été déformées.
On perd un peu la notion de premier plan, second plan et arrière-plan qui est caractéristique de la photographie au grand angle. Ici, tous les éléments semblent se réunir sur le même plan, l’histoire que raconte la photo se restreint à un seul lieu.
Le spectateur n’aura alors plus aucune notion d’échelle car on lui enlève volontairement ses repères visuels, ce qui l’amènera à se poser tout un tas de questions. A quelle distance se trouve le refuge ? Quelle est la hauteur de ce sommet ? Mais où est donc Ornicar ?
Évidemment les réponses à ces questions ne sont pas dévoilées, mais le spectateur pourra essayer de les deviner, ce qui va stimuler son imagination. La photo devient ainsi beaucoup plus captivante.
Ici, le soleil prend des proportions démesurées, mais il est beaucoup plus facile de s’en rendre compte car c’est un élément que l’on a l’habitude de voir au quotidien.
Il serait totalement inconcevable de photographier uniquement la mer et le soleil au grand angle (bon j’exagère un peu 😀), car la composition serait plate et ennuyeuse. Mais au téléobjectif, ça fonctionne à merveille, le soleil prend une place et un poids beaucoup plus important dans la composition, il devient l’élément central de celle-ci. Et puis la mouette c’est un peu la cerise sur le gâteau !
C’est ça qui est magique, on montre à l’œil du spectateur un sujet tout ce qu’il y a de plus banal, mais sous une perspective unique.
D’ailleurs, il n’y a pas que la longueur focale qui influence les perspectives, il faut aussi prendre en compte la taille du sujet, et la distance du photographe par rapport au sujet. En jouant avec ces 3 paramètres, vous mettrez toutes les chances de votre côté d’obtenir des compositions originales.
Et puis, je vous garantis qu’aucun amateur doté d’un smartphone ne sera capable de reproduire le même genre d’image.
Isoler son sujet et simplifier ses compositions
Une erreur de débutant est de penser que plus on ajoute d’éléments dans notre cadre, plus la photo aura d’intérêt. Au contraire, un surplus d’éléments peut être distrayant et perdre le spectateur.
Le meilleur moyen de créer une composition puissante est en réalité de rendre sa lecture simple ! 1 photo = 1 sujet / 1 idée. De cette manière, il n’y aura pas de doute sur ce que vous cherchez à montrer.
Et c’est exactement ce que nous permet de faire le téléobjectif. On restreint le cadre pour ne capturer qu’un détail du paysage.
En zoomant sur l’îlot, le phare prend une place beaucoup plus importante dans l’histoire que raconte la photo.
Bon ok j’ai un peu triché, la seconde photo a été prise plus tard durant l’heure dorée, elle tape forcément un peu plus à l’œil, mais elle a bien été prise depuis le même endroit. Le téléobjectif a permis d’isoler une partie de la composition et d’enlever le superflu. On se retrouve alors avec une composition beaucoup plus simple, épurée, et minimaliste.
Tandis que sur la première photo, on ne sait pas exactement où l’on doit regarder, elle ne transmet pas de message ni d’émotion particulière. L’image est juste « sympa » mais sans plus.
Composer une photo, c’est donc l’art de disposer les divers éléments d’une scène de manière adéquate afin de créer une harmonie visuelle. Et rien ne doit être laissé au hasard, c’est à vous de déterminer si un élément à sa place dans le cadre, ou non.
La distance focale est d’ailleurs un de mes outils de composition préférés, mais il en existe plein d’autres. Je vous invite à lire mon guide la composition en photographie de paysage si vous souhaitez les découvrir !
Créer un sentiment d’intrigue et de mystère
Ce n’est pas parce que la composition est plus simple qu’elle ne transmet pas des émotions fortes, au contraire.
En isolant son sujet, on fait le choix de ne pas montrer ce qu’il se passe autour de celui-ci, le champ de vision est restreint, laissant libre cours au spectateur d’imaginer tout ce qui se trouve autour. On créé ainsi un sentiment d’intrigue et de mystère, le spectateur aura envie d’en découvrir davantage.
Encore une fois, tout un tas de questions nous viennent en tête. D’où arrive cette rivière ? Jusqu’où se dirige t’elle ? Il y en a t’il plusieurs ?
Sur une photo prise au grand angle, on révèle tout de suite au spectateur tout ce qu’il se passe dans la scène, et on perd cette part d’intrigue et de mystère. On transmettra également des émotions, mais qui seront très différentes.
C’est ça que je trouve fantastique, car en fonction du choix de son objectif et surtout de sa focale, il est possible de transmettre un sentiment / de créer des ambiances très différentes en photographiant exactement le même paysage.
Le principal défaut des téléobjectifs
On ne va pas se le cacher, un téléobjectif c’est lourd et encombrant. Si le paysage qui vous intéresse est accessible en voiture, alors ça ne pose pas de problème, il suffit de poser son téléobjectif sur le siège passager et de lui attacher sa ceinture.
Mais au risque de vous décevoir, ça sera rarement le cas. La plupart des paysages qui vous intéresseront ne seront pas visibles depuis la route, il faudra marcher, voir même partir en randonnée. Il faut alors préparer son sac à dos en conséquence, en laissant suffisamment de place pour y insérer l’objectif, mais surtout prendre en compte le poids qu’il va ajouter au sac.
Êtes-vous prêt à vous trimballer un objectif de 5kg pour capturer la photo de vos rêves ?
Je vous rassure, sur cette image c’est un téléobjectif à ouverture fixe pour capteur plein format, destinée à la photographie animalière ou à la photographie sportive. Pour photographier un paysage, une ouverture variable vous suffira amplement, ce qui réduira drastiquement le poids et la taille de l’objectif.
Votre téléobjectif sera donc beaucoup plus facilement transportable, mais attention car plus la taille du capteur de votre appareil photo sera grande, plus le téléobjectif qui lui est associé sera lourd et encombrant. Il faudra alors se contenter d’un zoom moins puissant si vous souhaitez alléger la charge à transporter.
Mais si comme moi vous photographiez sur un appareil à capteur micro 4/3, vous aurez à votre disposition les téléobjectifs les plus petits et légers qui existent !
La meilleure raison d’acheter un téléobjectif
Si vous n’êtes toujours pas convaincu, il vous en faut absolument un pour photographier la lune et ses détails.
Pas besoin de se casser le dos à le transporter en montagne, il suffit simplement d’ouvrir sa fenêtre, de viser, et d’appuyer sur le déclencheur. Attention tout de même à la pollution lumineuse si vous habitez dans une grande ville.
Pas besoin non plus de se casser la tête avec la composition, une belle lune bien centrée fera parfaitement le travail. Vous passerez pour un pro alors que c’est littéralement la photo la plus facile à réaliser en photographie de paysage !
En réalité, la meilleure raison d’acheter un téléobjectif est qu’il va vous permettre de diversifier vos photos, car il donne la possibilité de « rentrer dans l’intimité de l’image » et d’aller chercher les détails. Mais ne jetez pas votre grand angle pour autant, l’idéal est de varier avec différents objectifs et différentes focales pour exprimer pleinement votre créativité sur le terrain.
Il n’est pas toujours évident de composer avec un téléobjectif quand on débute, mais avec l’expérience et en développant votre « œil de photographe », vous vous rendrez compte qu’il convient à beaucoup de scènes, et trouver des compositions captivantes deviendra un véritable jeu d’enfant !
Ceci est un article invité de Maxime Orsini, son blog traite également de photographie de paysage. N’hésitez pas à aller le visiter 🙂